Que vaut la proposition de rationnement du nombre de vol par personne faite par Jean-Marc Jancovici ?

L’Opinion du 6 juin
Restriction drastique des vols en avions, fin du pétrole, décroissance inévitable, les propositions de Jean-Marc Jancovici, ingénieur et président du Shift Project, sont régulièrement sujettes à controverses et contestés par les économistes. Le 30 mai, il a de nouveau plaidé pour un quota de 3 à 4 vols dans toute une vie humaine, déclarant que l’aviation était « quelque chose d’extrêmement récent, qui partira avec le pétrole ». Cependant, ce constat est très loin de faire consensus chez les experts du secteur. « Dans des pays comme la Chine, l’Inde, les Etats-Unis ou le Mexique, se déplacer en avion fait partie du cours normal des choses », estime Nicolas Bouzou, directeur du cabinet de conseil Asterès. Selon lui, il faut être rationnel, demander des efforts de réduction d’émission de CO2 là où c’est le moins sacrificiel, « sinon c’est le meilleur moyen de dégoûter les gens de faire des efforts ». En économie environnementale, le coût d’abattement permet d’évaluer les secteurs de l’économie dans lesquels le potentiel de décarbonation est le plus fort et ceci au moindre coût pour la collectivité. L’ingénieur ne cite aucune étude comparant les coûts et les avantages des effets du rationnement des vols. « Les pays industrialisés et riches sont les mieux armés pour décarboner. Le plus efficace serait d’investir en Inde, en Indonésie, en Afrique du Sud pour qu’ils sortent des énergies fossiles », juge Ferghane Azhari, l’analyste en politiques publiques. Cela permettrait de la croissance des deux côtés, en assurant des débouchés commerciaux, tout en réduisant les quantités de CO2 importées. De plus, le lien entre consommation d’énergie et PIB, tel que le présente le président du Shift Project, ne va pas de soi. En Europe, de 1999 à 2019, les émissions de CO2 ont diminué de 23% alors que le PIB croissait de 50%. « Aujourd’hui, la plupart des pays développés augmentent leur PIB et réduisent leurs émissions de carbone. Jean-Marc Jancovici disait ce découplage impossible. Il est techniquement plus simple et plus efficace de décarboner la croissance que de pratiquer une décroissance », constate finalement Nicolas Bouzou.